La GTJ200 : Le rĂ©cit d’un des vainqueurs.

La GTJ200 : Le rĂ©cit d’un des vainqueurs.

Voici le très complet rĂ©cit de Guillaume sur la GTJ200. le tout vu de l’intĂ©rieur comme si vous y Ă©tiez!

Peut-ĂŞtre ceci suscitera-t-il des participations d’autres Dragons pour l’an prochain?

En tout cas merci Guillaume pour ce récit qui nous donne envie de retrouver la neige!

 

 

 

 

La GTJ 200: C’est la deuxième plus longue course de ski de fond au monde, et probablement la plus dure avec ses 200 kilomètres de distance et 4800 mètres de dĂ©nivelĂ©. Rien que le nom me faisait vibrer Ă  l’idĂ©e d’y participer lorsque mon ami HervĂ© Balanche me proposa de l’accompagner pour la première fois en 2018 sur cette magnifique Ă©preuve. Voici mon rĂ©cit de l’Ă©dition 2020.

Samedi 23 mars 2019: Un an après notre victoire sur la GTJ200 2018, HervĂ© et moi dĂ©cidons d’entamer une nouvelle prĂ©paration pour tenter de remporter l’épreuve une seconde fois en 2020. Nous nous retrouvons au Col des Mosses, en Suisse, pour le dĂ©part de la Ski-24 (24 heures de ski sur un circuit de 5 kilomètre selon le principe des 24h du Mans). HervĂ© explose le record de la course en solitaire en parcourant une distance de près de 400 km avec plusieurs milliers de mètres de dĂ©nivelĂ©. De mon cĂ´tĂ© j’avoisine les 300 km juste devant Richard Varaine, quatrième, très solide en distance. Le compte Ă  rebours est lancĂ© pour la GTJ200 2020.

Samedi 8 fevrier 2020: L’hiver est doux, la Transjurassienne et la plupart des courses longues distances du circuit national ont Ă©tĂ© annulĂ©es et les entraĂ®nements sur neige se font rares pour moi. Le lendemain d’une semaine de travail, un peu en manque de compĂ©tition et de sommeil, je suis au dĂ©part du Grand-Prix du Semnoz oĂą je me fais exploser par 25 concurrents rapides et aguerris. Un peu inquiet par cette contre-performance, je rentre chez moi pour une bonne nuit de sommeil et dĂ©cide de repartir m’entraĂ®ner 120 kilomètres le lendemain Ă  La Vattay. Mon entraĂ®nement est constituĂ© de diffĂ©rentes phases planifiĂ©es pour dĂ©velopper certaines aptitudes comme l’endurance, la force et la rĂ©sistance en fonction des objectifs que je me suis fixĂ©. Ensuite j’adapte chaque sĂ©ance suivant mes sensations, envies et disponibilitĂ©s.

Vendredi 6 mars 2020: DĂ©part du prologue de la GTJ200 – Giron (Ain). Nous sommes l’équipe « Rock your life » et les premiers Ă  partir avec le dossard 1 des tenants du titre. HervĂ© n’est pas au mieux avec une cĂ´te qui lui fait mal, mais il est très affutĂ© comme Ă  chaque grand rendez-vous et je sais qu’il va assurer et que je vais devoir m’employer pour rĂ©ussir Ă  le suivre. C’est ce que je fais tout au long des 22 kilomètres du prologue en prenant des relais appuyĂ©s et en donnant tout ce que j’ai pour ne pas lâcher lorsqu’il mène devant. Nous terminons deuxièmes du prologue Ă  deux minutes du Team Grenoble composĂ© de Baptiste Lorier et RĂ©mi Salacroup, deux athlètes qui figurent parmi les meilleurs du Marathon Ski Tour. D’autres Ă©quipes parmi les favoris nous talonnent de près. Patrick Bohard, l’organisateur de la GTJ200 et vainqueur du TOR des GĂ©ants, vient nous fĂ©liciter Ă  l’arrivĂ©e. Il s’attend Ă  une course serrĂ©e le lendemain.

Samedi 7 mars 2020: La Grande TraversĂ©e du Jura – 170 Km – Giron (Ain) – Le Gardot (Doubs) – [Transfert en voiture de MĂ©tabief aux Verrières de Joux].

– Km 0 – Giron: Il est 6 heures, le dĂ©part de la Grande TraversĂ©e est donnĂ©. J’ai rejoint HervĂ© sur la ligne 15 secondes avant le dĂ©part, ce qui a causĂ© une petite frayeur Ă  nos deux suiveurs et assistants AurĂ©lien Pourchet et Olivier Monnin qui m’ont vite fixĂ© les skis aux pieds pendant que je terminais de serrer mes dragonnes. Ils font la course dans la voiture et sur les stands de ravitaillement qu’ils mettent en place. Ils assurent toute notre logistique, boisson, nourriture, changement de matĂ©riel, nous renseignent sur le parcours et les Ă©carts, nous conseillent sur notre stratĂ©gie de course et nous encouragent. Sans eux nous ne pourrions pas espĂ©rer jouer devant. Et en plus on adore se retrouver tous les quatre pour donner le meilleurs de nous-mĂŞme. Frontale allumĂ©e dans le noir, comme Ă  l’entraĂ®nement après le travail, sur des pistes que je connais bien, je pars bien couvert pour ne pas consommer trop d’énergie. Nous entamons la montĂ©e vers La Pesse sur un rythme dĂ©jĂ  bien Ă©levĂ©, proche de celui de la Transjurassienne lorsque l’on joue un top 20 dans la montĂ©e du Risoux et je sens des dĂ©buts de crampes arriver dans mes triceps et mes grands-dorsaux. C’est sĂ»rement dĂ» au prologue de la veille. Je gère mes mouvements pour relâcher mes bras. Très vite on se retrouve Ă  seulement trois Ă©quipes devant, avec le Team Grenoble et l’équipe de Jean-Marc Martin et Alexandre Rognon qui mènent un train d’enfer. Les autres favoris avec notamment l’équipe de Xavier et Jean-Marie ThĂ©venard sont juste derrière.

– Km 30 – Les Belles Combes (Jura): Le jour se lève sur le Haut-Jura. La neige tombĂ©e il y a deux jours fait reflĂ©ter les premières lueurs du jour. Les couleurs sont magnifiques. Cela me dĂ©clenche des Ă©motions et des pensĂ©es pour les personnes que j’aime. Le rythme est toujours Ă©levĂ© et nous nous retrouvons dĂ©sormais Ă  deux Ă©quipes en tĂŞte de la course, Jean-Marc et Alexandre ayant dĂ©cidĂ© de lever le pied pour assurer la distance et rester en embuscade derrière nous. Deux ans auparavant, HervĂ© m’aurait fait calmer le jeu pour m’économiser, mais maintenant il sait que je suis capable de tenir la distance. Nous prenons tour Ă  tour des relais assez appuyĂ©s jusqu’Ă  Lajoux, oĂą commence la montĂ©e vers la forĂŞt du Massacre.

– Km 50 – PrĂ©manon: Après nous ĂŞtre fait distancĂ©s de 2 minutes dans la montĂ©e du Massacre par l’Ă©quipe de tĂŞte, nous faisons notre premier choix stratĂ©gique en conservant nos skis de skating sur la première portion hors-piste pour rejoindre Les Rousses. Plus agiles dans ces conditions, nous revenons sur  l’équipe de tĂŞte qui est Ă©galement en skating et nous arrivons ensemble au premier stand de ravitaillement des Rousses, oĂą nous attendent Olivier et AurĂ©lien, au pied du Risoux. Environ six minutes d’arrĂŞt, le temps d’enlever quelques Ă©paisseurs de vĂŞtement et de se ravitailler un peu. Nos concurrents repartent deux minutes plus tĂ´t que nous et nos assistants les rappellent pour les aiguiller dans la bonne direction au moment oĂą ils partaient vers bois d’Amont.

– Km 70 – Bellefontaine: Dans la montĂ©e du Risoux nous rattrapons un skieur en classique Ă  l’allure d’un champion. Je reconnais Philippe GrandclĂ©ment, ancien champion, vainqueur de la Transjurasienne et instructeur au Centre National de Ski Nordique. Il nous salue et nous encourage. Je m’applique en passant devant lui, qui Ă©tait mon professeur lorsque j’étais moniteur de ski stagiaire. A Bellefontaine nous courons trois kilomètres sur la route forestière skis Ă  la main avant d’entamer une nouvelle partie de hors-piste jusqu’aux Mortes, près de Chapelle des Bois. Lors d’un changement de gourde, Olivier et AurĂ©lien nous informent que l’Ă©cart avec l’Ă©quipe de tĂŞte se stabilise aux alentours de 4 minutes.

– Km 90 – Chappelle des Bois (Doubs): Après un retour sur une piste damĂ©e avec très peu de neige, nous touchons rĂ©gulièrement les cailloux et bien que je sois toujours très concentrĂ©, un de mes skis s’arrĂŞte net sur l’un d’eux, ce qui me projette en avant. Je tombe la tĂŞte dans la neige et la poitrine contre la poignĂ©e d’un de mes bâtons. Je me relève sonnĂ© en voyant les Ă©toiles. Je ressens une douleur Ă  une cĂ´te qui m’inquiète un peu. Je ressens alors les premiers signes de fatigue et je croise les doigts pour ne pas ĂŞtre trop gĂŞnĂ© par cette blessure. HervĂ© m’attend un peu plus loin et je sais que je vais devoir m’accrocher dans les minutes qui vont suivre…

– Km 100 – PrĂ© Poncet:  MalgrĂ© ma chute nous arrivons tout de mĂŞme avec moins de 4 minutes de retard sur la tĂŞte de course Ă  notre deuxième arrĂŞt au stand qui marquera le tournant de la course. Avec un tronçon de 11 km de piste damĂ©e suivi de 14 km de hors-piste, un choix stratĂ©gique sur le matĂ©riel s’impose. Pendant que nous nous ravitaillons, nous voyons repartir la première Ă©quipe avec des skis de skating. Le choix est osĂ©. Je pose alors la question Ă  mon Ă©quipe. Nos assistants sont clairs, pour eux il vaut mieux y aller en classique car nous gagnerons plus de temps dans le hors-piste que nous en perdrons en skating sur les pistes damĂ©es. HervĂ© est catĂ©gorique aussi. J’ai un lĂ©ger doute, mais j’en dĂ©cide de mĂŞme que mes coĂ©quipiers. Il s’en suit une longue partie sur une piste damĂ©e comme un billard avec nos skis de classique, chaussures de skating et bâtons Ă©quipĂ©s de larges paniers pour le hors-piste. Nous rattrapons JĂ©rĂ´me Clerc, un ami que j’ai rencontrĂ© lorsque je travaillais Ă  Foncine-le-Haut dans le Jura. Il nous accompagne durant quelques kilomètres et nous encourage dans la partie qui restera la plus dure pour moi. HervĂ© est un peu plus loin devant et je donne tout pour rester Ă  son contact. Il veille sur moi et rĂ©gule son allure pour tirer le maximum de mes possibilitĂ©s. Je me mets en mode machine avec des gestes fluides pour limiter la douleur en attendant d’atteindre la partie hors-piste.

-Km 110 – La Jaique: Nous apercevons enfin le chalet de la Jaique et aussi nos concurrents Ă  moins de 3 minutes devant nous. Nous les voyons entrer dans le Jura Suisse pour commencer le tronçon hors-piste. Gagner du temps sur cette portion Ă©tait inespĂ©rĂ© et nous l’avons fait. Cela est de très bonne augure pour la suite! Beaucoup de spectateurs sont prĂ©sents et nous encouragent dans cet endroit magnifique, ce qui me redonne du baume au cĹ“ur. Nous entrons Ă  notre tour dans la forĂŞt sur une trace faite par des skieurs. J’alterne entre le pas alternatif, le pas de un, le pas de deux et la double-poussĂ©e en prenant garde de ne pas trop enfoncer mes bâtons dans la neige profonde. Les arbres chargĂ©s de neige sont nous posent un magnifique dĂ©cor d’hiver. Avec la technique classique, mes jambes, mon dos et mes bras se dĂ©tendent instantanĂ©ment. Je joue ma flexion de chevilles et ma frĂ©quence de gestes pour rester bien en avant de mes appuis et garder ainsi de la vitesse et une bonne accroche en montĂ©e. Mon toucher de neige est bon, j’ajuste mon Ă©quilibre antĂ©ro-postĂ©rieur et m’amuse Ă  prendre un maximum de vitesse dans les descentes en monotrace oĂą l’on ne peut pas vraiment freiner. HervĂ© est très Ă  l’aise aussi, il m’impressionne car il ne fait pas de classique Ă  l’entraĂ®nement. En moins de deux kilomètres nous rattrapons nos principaux concurrents, Baptiste et RĂ©mi, qui galèrent avec leurs skis de skating. Nous les encourageons avant de prendre la tĂŞte de la course.

– Km 124 – Le Poteau: Nous arrivons Ă  notre troisième arrĂŞt au stand. Nous avons 14 minutes d’avance sur la deuxième Ă©quipe. HervĂ© rĂ©pond brièvement aux camĂ©ras de France tĂ©lĂ©visions pendant que je mange le plus de purĂ©e au jambon et bois le plus d’eau possible en un minimum de temps. Nous repartons en hors-piste toujours avec nos skis de classique en direction des pistes de MĂ©tabief et la longue ascension du Mont d’Or.

– Km 140 – MĂ©tabief: C’est le site oĂą mon père avait participĂ© aux championnats du monde de VTT en 1993. Nous y accĂ©dons par les pistes de ski alpin du Mont-d’Or. La montĂ©e en hors-piste est très raide et le paysage est lĂ  encore incroyable. Nous voyons les Alpes. Nous donnons le maximum pour creuser l’Ă©cart avec nos poursuivants qui ont pris aussi des skis de classique sur cette partie. Toujours très concentrĂ© je me dis que chaque dĂ©tail compte et je m’efforce d’être le plus efficace possible dans mes gestes et mes trajectoires. HervĂ© n’a plus besoin de m’attendre, nous sommes en synergie Ă  prĂ©sent, comme lors de toutes les fins de courses que nous avons vĂ©cues ensemble. Au sommet du Mont-d’Or, des membres de l’organisation et des skieurs alpins nous encouragent en faisant sonner les cloches. Une fois encore cela me motive Ă  en remettre une petite couche. Puis nous entamons la descente vers MĂ©tabief, pleine balle sur les pistes de ski alpin. Nous doublons tous les skieurs alpins que nous voyons. Notre avance est passĂ©e Ă  18 minutes. Nous sommes accueillis chaleureusement par l’organisation et des spectateurs en bas de la station. Quel chance d’être suivis et encouragĂ©s comme cela! La course s’interrompt ici pour effectuer un transfert en voiture jusqu’aux Verrières de Joux car le manque de neige nous empĂŞche d’y accĂ©der par Les Fourgs, le village natal d’HervĂ©. Dans la voiture nous nous ravitaillons et nous prĂ©parons Ă  effectuer les 30 derniers kilomètres de course tambour battant.

– Km 140 – Grand’Combe Châteleu: C’est le site d’arrivĂ©e de l’Ă©dition 2018. Les organisateurs ont finalement dĂ©cidĂ© de nous faire rejoindre l’arrivĂ©e prĂ©vue au Gardot, près de Morteau, en courant Ă  pied depuis lĂ  car les conditions trop humides ne permettent plus de passer Ă  ski.

– Km 147 Le Gardot: Les 6 derniers kilomètres effectuĂ©s en course Ă  pieds nous permettent de prendre le temps de profiter de notre victoire tous les deux. Bien que diminuĂ© par son mal de cĂ´te lorsqu’il court, HervĂ© ne lâche rien. Nous profitons de nos derniers instants de partage sur cette Ă©dition et nous remportons en 9h30, avec 20 minutes d’avance la GTJ200 pour la deuxième fois. Virginie Bohard, l’organisatrice, nous attend avec AurĂ©lien et Olivier sur la ligne d’arrivĂ©e avec des rĂ©compenses et nous fĂ©licite. Quelle joie de voir son sourire qui en dit long sur sa satisfaction d’avoir pu nous guider jusque-lĂ  avec son Ă©poux Patrick, qui nous fĂ©licite Ă  son tour. Nous sommes ravis et fiers de notre doublĂ©. L’aventure Ă©tait belle grâce Ă  cette organisation très performante, qui a su maintenir la plus longue course de ski de fond en France (et la deuxième au monde) au milieu d’un hiver incroyablement doux.

Bravo et Merci la GTJ200 !!!

Il existe plusieurs formats de course en ski de fond dans le monde. Lorsque j’Ă©tais plus jeune les distances variaient de 10 Ă  90 kilomètres. Depuis quelques temps le panel s’est Ă©largi avec des compĂ©titions allant de 1 kilomètres pour les KO sprints, jusqu’Ă  220 kilomètres pour les ultras. Le club des Dragons d’Annecy peut se fĂ©liciter d’avoir formĂ© des skieurs s’illustrant sur tous les formats de course. Nous n’avons pas tous les mĂŞmes aptitudes, alors j’encourage les membres du club Ă  explorer tous les formats de course pour trouver ceux dans lesquels ils pourront se rĂ©vĂ©ler et s’exprimer pleinement.

Je suis heureux et fier d’apporter la preuve que l’on peut remporter la plus longue et la plus dure course de ski de fond en France, sans sponsor, sans Team et sans jamais avoir été dans une quelconque sélection de bon niveau auparavant. Seul la détermination compte. Fixez-vous des objectifs à la hauteur de vos ambitions et donnez-vous les moyens de les atteindre. Soyez toujours sûrs de votre potentiel, vous seul pouvez y croire et y arriver! Et quel que soit votre niveau et le résultat final, les sensations et les émotions vécues resteront pour toujours dans vos souvenirs. C’est ça, Rock your life!

Guillaume Michet

 

La GTJ200 2020 en chiffres :

  • 55 minutes de prologue
  • 8h30 de traversĂ©e
  • 3 dĂ©partements traversĂ©s
  • 12 minutes d’arrĂŞts aux stands
  • 8 gourdes de boisson Ă©nergĂ©tique
  • 1/2 gamelle de purĂ©e au jambon
  • 10 paires de skis fartĂ©es
  • 4 paires de skis utilisĂ©es
  • 2 jours de prĂ©paratifs
  • 3 jours de rĂ©gime hypocalorique
  • 1 sĂ©ance de fractionnĂ© Ă  jeun Ă  J-2
  • 2 jours de rĂ©gime hyper-glucidique
  • 3 heures de sommeil la nuit prĂ©cĂ©dant le dĂ©part
  • 1 seul ami avec qui faire cela…